Terrorisme : l’ex-agent secret lève le voile sur les tueurs d’État

Ancien du 3e RPIMa de Carcassonne et de la DGSE, Pierre Martinet lève le voile dans un roman sur un tabou de la République : l’élimination physique de terroristes.

Pourquoi ce roman consacré aux agents de la DGSE ?

Aujourd’hui en France, il n’y a personne qui vienne de la DGSE ou des Forces spéciales et qui ose faire des romans. Je suis resté vingt ans dans l’armée, sous le béret rouge, dans des unités un peu spéciales, et cinq ans au service action de la DGSE. Cela m’influence. Je mélange la réalité, la fiction, avec un fond de géopolitique d’actualité : la montée des groupes islamistes autour de la Méditerranée.

Vous décrivez des agents qui ont pour mission de tuer des gens à l’étranger. Fiction ou réalité ?

C’est un sujet tabou, mais bien évidemment que les actions Homos (homicide) existent. Le service action est le bras armé de la DGSE, et en son sein, il y a une doctrine prévoyant éventuellement d’éliminer des gens. J’ai moi-même travaillé pendant cinq ans sur des dossiers de “renseignements à fin d’action”.

Je ne dirai jamais qu’aujourd’hui la DGSE tue des gens. Mais dans la doctrine, c’est possible. Si demain, il faut aller éliminer quelqu’un au Pakistan, on peut le faire, parce qu’il y a des cellules clandestines et des gens formés pour ça.

Avez-vous participé à ce type d’action ?

Oui. Mais je n’étais pas au bout de la chaîne. J’étais un maillon. Je participais à des opérations de renseignement, on montait des dossiers sur des personnages.

Ces actions ont-elles été menées ?

Je n’en sais rien (rires). C’est pour ça que je me permets d’imaginer cette cellule Delta, qui existe peut-être au service action, et qui me permet de donner libre court à mon imagination. Certains disent que le Vincent du bouquin me ressemble, c’est possible. J’étais à Beyrouth au moment de l’attentat contre l’immeuble Drakkar, j’étais dans cette embuscade au Liban que je décris.

Vous étiez aussi en Libye le 11 mai 2011 lorsque Pierre Marziali, patron de la société carcassonnaise Secopex, a trouvé la mort…

Je connaissais Pierre depuis 1982. On a participé à beaucoup d’opérations ensemble avant qu’il ne crée en 2003 cette société de sécurité. Il a voulu qu’on soit les premiers à proposer nos services aux rebelles en Libye. Et une protection rapprochée aux journalistes français, qui étaient les seuls à ne pas en avoir.

J’y suis allé en avril avec un commercial et un spécialiste de la protection. Ce n’était pas “undercover” : on était tout à fait visibles, avec des gilets Secopex. On avait rendez-vous avec le CNT pour le 12 mai, Pierre est arrivé le 11 mai à Benghazi. Suite à ça, on a été arrêté, il a été tué et on a passé dix jours en prison, dont la première nuit avec un peu de torture.

Du genre ?

Du genre physique : des coups, simulation d’exécution avec le 9 mm sur la tempe avec le clic, et les électrodes sur la poitrine, sans mettre le courant. Au bout de dix jours, ils nous ont libérés.

Comment expliquez-vous la mort de Pierre Marziali ?

Ce n’était pas un contrôle de simple police, c’était une arrestation en bonne et due forme faite par une vingtaine de cagoulés débarquant de 4X4 armés de Kalachnikov. J’ai longtemps cru que ça aurait pu être un accident. Mais plus le temps passe, plus je me dis que ce n’était pas forcément ça. On était tous les cinq allongés sur le sol face contre terre avec les mains sur la nuque, il était contre moi, collé à moi quand il a été tué.

Où en est l’enquête menée par deux juges de Narbonne, après la plainte déposée par sa famille ?

Je dois bientôt être entendu par la section des recherches. J’espère que si l’enquête est assez précise, on pourra au moins répondre à cette question : si c’était une exécution, pourquoi ?

Les services français étaient-ils impliqués dans votre voyage ?

En ce qui me concerne, à Benghazi, il n’y a eu aucun contact. Ni avant, ni après. A mon sens, pour Marziali, c’est la même chose.

Allez-vous continuer ce métier ?

Oui, j’espère continuer à pouvoir le lier à la littérature. Aujourd’hui, il y a beaucoup de travail dans la sécurité internationale. En Irak, en Afghanistan, une fois qu’il n’y aura plus les troupes de l’Otan.

Qu’est-ce qui vous fait courir aujourd’hui encore ?

L’adrénaline. Le piment. Mais j’aimerais aussi pouvoir expliquer que dans le métier que je faisais, il y a de la noblesse. On y est vraiment patriote dans l’âme, prêt à faire beaucoup pour notre pays. C’est ce message que j’aimerais transmettre. J’aimerais expliquer par le biais des romans qu’il y a des femmes et des hommes qui vouent toute leur vie au pays, avec abnégation et sacrifice, et que c’est assez noble.

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